Chercher la fissure
Le voyage à pied est une ouverture au monde
qui invite à l’humilité et à la saisie avide de l’instant.
Philippe Montillier
Existe-t-il une lézarde qui vienne fissurer les structures de votre vie? Une fissure qui vienne ébranler vos fondations? Y a-t-il une porte, une fenêtre, qui ferme mal dans votre humanité? Y a-t-il un mur mal isolé dans vos cloisonnements? Quelle chance vous avez! La Vie peut encore vous atteindre! Par ces fissures nous pouvons « exister ».
Au sens étymologique du terme, « exister » signifie : se manifester, se montrer. Plus clairement, exister veut dire « sortir de soi ». Du latin ex-sistere, il désigne cet espace qui invite à « être » au-delà de nos enfermements, de nos barricades. Il invite à risquer sa vie au-delà du connu. Car, une vie à toute épreuve ça n’existe pas!
Nous avons beau penser à tout, avoir tout prévu dans les moindres détails, l’imprévu se glisse dans les fissures microscopiques de nos plans comme l’eau qui se répand et trouve la craquelure qui lui servira de passage. Impossible de tout prévoir. Surtout l’imprévisible!
Pour le pèlerin, le chemin est l’espace de cette expérimentation. Ce qui signifie « éprouver par l’expérience » ou encore « oser aller là où je ne me suis jamais aventuré ». C’est-à-dire, me mettre en situation « d’imprévisibilité ». Par définition, l’expérience relève donc de l’inconnu. Je ne peux pas faire l’expérience d’une chose connue. Je peux en reproduire le processus, mais ce n’est déjà plus de l’expérience puisque « je sais ».
Partir sur le chemin de pèlerinage relève donc de l’expérience dans la mesure où je ne cherche pas à tout contrôler du processus pèlerin. Lorsque j’ose me laisser toucher par toutes les fissures de ma vie : blessures, craintes, inquiétudes… Lorsque j’ose entrer dans cet espace qui me déplace hors de ma zone de confort et m’appelle au dépassement. Lorsque j’ose entrer dans mes fissures, non par masochisme mais, pour me libérer et sortir de mes enfermements.
L’expérience la plus percutante est celle qui me surprend. Lorsque je contrôle le processus, je l’oriente et il ne peut plus m’enseigner. Je me situe alors dans mes résistances. En contexte pèlerin, pour bénéficier du processus, je dois me situer comme élève et laisser la Vie m’enseigner. L’objectif à atteindre n’est pas nécessairement celui que je me suis fixé. La fissure n’est pas nécessairement celle que j’avais ciblée.
Le processus pèlerin porte en lui l’élan pour me mettre face à moi-même, « me sortir de moi-même », et me questionner. Il me fait observer, constater, les fissures de ma barricade en s’insinuant à travers elles. Souffrances, douleurs, peines et contrariétés ne sont alors que résistances, portes à franchir sur le chemin, pour me permettre d’exister librement et sortir, enfin, de mes barricades.
Éric Laliberté
Tellement pertinent! MERCI Éric Liberté de nous partager votre réflexion!