Le doux plaisir d’être
De temps à autre, il est bon de faire une pause dans notre quête du bonheur
et d’être simplement heureux.
Guillaume Apollinaire
Pour plusieurs, l’idée d’entreprendre un pèlerinage ou une très longue randonnée survient dans un moment de notre vie où tout semble tourbillonner ou gronder dans notre tête. Envahis par milles et une préoccupations, pressés par le quotidien, submergés par la vague de ce train de vie qui file à vive allure, nous ressentons le besoin de tout arrêter pour nous donner du temps. Nous espérons, durant cette longue parenthèse, avoir du temps pour penser, pour faire le point sur nos choix de vie, sur l’itinéraire que nous aimerions prendre à notre retour.
Les premiers jours du voyage, notre corps et notre esprit sont en période de sevrage de nos anciennes habitudes et les deux travaillent pour apprendre à s’adapter aux nouveaux défis que représente un pèlerinage. Puis, lorsqu’on commence à s’imprégner du confort de cette nouvelle vie, ce n’est pas du temps pour penser que nous découvrons, mais du temps pour arrêter de penser! Le vide! Sans obligations, sans responsabilités, sans personne d’autre à s’occuper, on découvre le doux plaisir d’être. Simplement être! On ne vit alors que dans le pur présent. On prend conscience du vent qui caresse notre peau. On s’enivre des multiples parfums qui nous entourent. On se délecte des paysages que l’on traverse. Chaque pas, chaque coup de pédale contribue à perpétuer ce vide, cet état de légèreté de l’esprit. Le mouvement entraine le mouvement. Le rythme ensorcelle notre corps et nous envoûte. C’est quand on découvre ce vide que l’on prend conscience du brouhaha de notre vie.
Notre société actuelle fait la promotion de « l’avoir» et valorise le « faire». Durant nos journées, il n’existe pas une seconde de silence dans nos pensées. Entre le travail, les enfants, nos amours, nos amis, nos devoirs et nos désirs, la roue ne cesse de tourner. L’encombrement, même celui de nos pensées, nous étouffe et nous empêche de respirer librement. Nous sommes constamment à planifier, structurer, organiser ou gérer. Et nos nouvelles technologies nous permettent de faire plusieurs choses à la fois, et même d’être à plusieurs endroits en même temps! Notre corps est de plus en plus accessoire. C’est l’esprit, la tête qui prend le contrôle de nos journées. Nous en sommes même à planifier des temps particulier pour l’épanouissement de notre corps! Dans le pèlerinage, le corps occupe un rôle important, ce qui permet à l’esprit de se mettre un peu en veilleuse, de se détendre et de profiter du temps qui passe. Le mouvement du corps, ce déplacement dans l’espace, dans un silence naturel, favorise l’émergence du vide dans nos pensées. Ce silence intérieur est ressourçant et nourrissant. C’est vivre le « maintenant», l’instant présent, le « ici». Il nous arrive si peu souvent de vivre pleinement « l’être» : cet état de plénitude au présent. Et c’est par le vide que naît la créativité et que vont émerger nos solutions.
Dans notre quotidien, nous avons tous trouvé une activité qui nous donne accès à cet état d’esprit. Que ce soit le jogging, le vélo, le jardinage, la peinture, la musique, le tricot, la cuisine, la menuiserie, la mécanique…. chacun à découvert une route toute personnelle qui lui permet de vivre, pendant un court instant ô combien savoureux, le plaisir d’être. Souvent, on appelle cette activité « une passion», car cette activité nous procure un bonheur intérieur exceptionnel. Malheureusement, elle est souvent de courte durée, et les effets positifs sont vite estompés par le retour à la réalité du quotidien. La très longue randonnée offre la possibilité de vivre ce silence intérieur pendant une plus longue période de temps. Le silence devient partie intégrante de soi. À notre retour, on cherche à ajuster notre réalité, pour qu’il ait sa place dans ce nouveau quotidien.
Le savoir être devrait être une préoccupation pour chacun de nous. Vivre l’instant présent, désencombrer nos pensées, favorise l’équilibre psychique et physique de chacun, mais aussi la qualité des relations que nous entretenons avec le monde extérieur. Malheureusement, la ligne de temps du présent est bien mince, et savoir reposer son esprit, l’affranchir de tout souci ou préoccupation est tout un art dans notre monde moderne. Alors, si vous avez une passion, suivez-la, avec elle vous êtes sur la bonne route!
Brigitte Harouni
Je partage avec plaisir tes pensées! Merci!
Quelle joie de te lire et de continuer la route avec toi malgré toute cette distance!!! Au plaisir! Brigitte